Bartoli, le gâchis19/05/2012 - 22:23
C'est officiel, Marion Bartoli a perdu son bras de fer avec la Fédération Française de Tennis. Elle ne participera pas aux Jeux Olympiques. Elle constituait clairement la seule chance de médaille française du tennis féminin, qui plus est sur gazon, une surface qui lui réussit tant. Retour sur un énorme gâchis.
La problématique La France ne fait rien comme tout le monde en matière de tennis. On peut y voire quelque chose de positif, car l'argument en permanence mis en avant est celui des valeurs collectives que l'on refuse de renier. Présenté comme tel, difficile de remettre en question ce choix revendiqué de la différence. Le seul problème, c'est qu'au nom d'un idéal, on en oublie de gagner, au nom d'un idéal, on oublie de voir que le monde évolue autour de soi, au nom d'un idéal, on en oublie de réfléchir à l'efficacité du groupe.
Les valeurs sont essentielles dans la vie, encore plus dans le sport de haut niveau. Dans un sport collectif comme le sont la Coupe Davis et la Fed Cup, elles doivent être partagées par tous.
En l'occurrence, l'idée de la Fédération consiste à refuser tout élément extérieur lors des rencontres de Fed Cup. Exit les coachs de chaque joueuse, leurs parents, les préparateurs physiques. Cette compétition appartient à la Fédération, seuls donc ceux qui ont été nommés pour la diriger ont droit d'intervenir sur le groupe et sur les individualités.
Marion Bartoli, dont les méthodes d'entraînement mises en oeuvre par et avec son père sont, pour le moins, particulières, a demandé, puis exigé comme condition à sa présence, celle de ce dernier à ses côtés lors de la semaine de préparation en Fed Cup, afin de pouvoir continuer à se préparer dans ses conditions habituelles. Avant elle, Aravane Rezai avait fait la même demande. Toutes deux ont été refusées au nom de règles, elles-mêmes édictées au nom de valeurs du groupe.
La France doit donc se passer des services de Marion. Or elle est l'incontestable numéro un française et sa présence en équipe de France changerait beaucoup la donne.
Pour ce qui concerne son cas personnel, elle s'en trouve privée de fait de participation aux Jeux Olympiques pour n'avoir pas pris part dans une rencontre de Fed Cup selon un règlement international.
L'Equipe de France de Fed Cup est descendue en seconde division et a dû cette année disputer les barrages pour éviter la chute en division 3.
L'absence de Bartoli aux Jeux Olympiques nous ôte toute chance de médailles dans cette compétition pour ce qui concerne le tennis féminin français.
L'éternelle exception française Comme souvent, la France s'illustre. Malheureusement pas de la meilleure des manières en remportant de grandes compétitions, mais plutôt en se dissociant de ce que pratiquent la grande majorité des autres pays.
Mettons un instant de côté l'argumentation de Marion, peut être que sa demande est justifiée, peut être pas, en tout état de cause, elle ne réclame rien de honteux, car la majorité des autres pays ont déjà accepté ce type de demandes. Plus cela, ils considèrent la présence du staff de chacune comme un plus, comme une ouverture, comme une force. Personne ne connaît mieux Marion, Aravane, Virginie, Alizé que ceux qui, chaque jour, travaillent avec elles. Personne ne sait mieux que le coach comment la préparer mentalement avant un match, quel exercice lui faire faire pour la mettre en confiance, quels volumes d'entraînement elle est capable de supporter et dont elle a besoin pour être au top de son efficacité le jour J...
Les autres pays considèrent que cette présence est donc une grande force. Ils intègrent complètement le staff de chacune au staff fédéral et c'est ce groupe élargi qui travaille à la réussite du projet Fed Cup.
Le staff tente pourtant de s'adapter aux besoins des joueuses Le plus étonnant c'est que le staff de l'équipe de France est convaincu qu'il doit s'adapter aux joueuses. Les membres du staff demandent aux entraîneurs de leur donner le type d'exercices qu'elles aiment, de les aiguiller sur les volumes d'entraînement auquel les soumettre, et sur l'ensemble des grandes lignes. Alors pourquoi vouloir s'entêter à faire eux-mêmes ce que l'entraîneur fera avec beaucoup plus de précision parce qu'il est au contact quotidien de la joueuse, et ne pas considérer l'apport de l'entraîneur de Fed Cup ou le capitaine comme un regard extérieur intéressant ?
Il semble, en effet, plus cohérent d'inverser les rôle. Permettre aux joueuses de s'entourer de leur staff, et intégrer le staff de Fed Cup à ce processus de préparation.
Traiter la Fed Cup différemment de la Coupe Davis Comment peut-on argumenter que Marion Bartoli demande l'impossible et que sa demande est inacceptable alors même que la quasi-totalité des joueuses du circuit ont effectué la même demande et qu'elle a été acceptée dans la majorité des pays ?
La Fédération Française de Tennis doit parvenir à comprendre que le tennis féminin ne peut être traité comme le tennis masculin. Les joueuses sont plus attachées à leur staff, à leurs habitudes de travail, elles puisent énormément de confiance dans leurs routines d'entraînement et dans leur entourage, et perdent souvent ce qui fait leur force lorsqu'elles perdent ces repères. C'est une des données de ce circuit professionnel et il faut en tenir compte.
Très hypocrite Cette position de la Fédération est d'ailleurs très hypocrite, car il fut un temps où le staff de la Fed Cup était composé de l'entraîneur de la N°1 de l'équipe, du kinésithérapeute de la N°1 de l'équipe et du préparateur physique de la N°1 de l'équipe. C'est bien que la présence du staff de la joueuse lui était important. Dans ce cas précis, ne souhaitant pas se priver de sa présence en équipe de France, la Fédération avait trouvé des solutions.
Au nom de la Victoire Et même si Marion Bartoli avait tort, est-il raisonnable de se passer d'elle dans cette compétition ? Sans pour autant tout accepter, ne peut-on pas essayer de comprendre sa demande ? N'y avait-il pas un terrain d'entente sur lequel transiger plutôt que de se trouver dans cette situation désastreuse aujourd'hui ?
Plutôt que de clamer avec fierté que la France n'a pas dérogé à ses principes, elle devrait plutôt se désoler d'enchaîner défaite sur défaite en Fed Cup, faute d'avoir trouvé un compromis et de se priver de sa seule chance de médaille en tennis féminin aux J.O.
C'est l'absence de culture de la victoire qui me choque le plus. Dans le sport de haut niveau, les dirigeants devraient être guidés par cette perpétuelle recherche : devenir plus forts, porter haut les couleurs de la France, gagner.
Guy Forget, lui, l'a fait en Coupe Davis avec Jérémy Chardy face à l'Autriche en me permettant d'être au plus près du joueur que je coachais à l'époque pour son bien et pour son efficacité. Il avait battu Jürgen Melzer, alors membre du Top10, le premier jour, puis avait qualifié la France le dimanche. Un bel exemple d'ouverture et de culture de la victoire.
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