L’homme qui ne perd jamais


Rafael Nadal (Reuters)

En concédant en moyenne moins de six jeux par match, Rafael Nadal a écrasé la 107e édition de Roland Garros. Selon Björn Borg, cette suprématie ne fait que commencer.

par Bastien Aubert, le 09-06-2008

Devilder a plus résisté

Même le soleil voulait voir ça. A 17h06, dimanche, Roger Federer inscrit sa 35e faute directe lors de la finale de cette 107e édition de Roland Garros. En 1h48 de jeu, le n°1 mondial est balayé par l’ouragan Rafael Nadal (6/1 6/3 6/0). Il faut remonter en 8es de finale de l’US Open en 2001 pour trouver la trace d’une pareille déconfiture du Bâlois en Grand Chelem, face à Andre Agassi (6/1 6/2 6/4). Une finale aussi peu équilibrée n’avait plus été de mise à la Porte d’Auteuil depuis 1977 et la victoire de Guillermo Vilas face à Brian Gottfried (6/0 6/3 6/0). A titre de comparaison, Nicolas Devilder, broyé au deuxième tour, a tenu six minutes de plus que Federer.

Surréaliste, comme l’est également le nombre de jeux concédés par Nadal au cours de la quinzaine : 41, soit moins de six par match ! Il n’a évidemment perdu aucun set dans tout le tournoi et il est seulement le troisième joueur, après Ilie Nastase (1973) et Björn Borg (1978 et 1980), à accomplir cet exploit depuis 1925. Comment expliquer cette suprématie de l’Espagnol, qui, faut-il le rappeler, est invaincu en 28 matches sur la terre battue parisienne depuis ses débuts en 2005 ? «Il n’a pas eu d'adversaire à la hauteur, il s'est amélioré. Il a un meilleur jeu de défense et d'attaque. Il est très mobile. Il y a trois ans, il jouait en coup droit avec des appuis ouverts. Je ne peux pas faire cela. Mentalement, il est très fort. Il ne rate pas beaucoup. Lorsqu'il passe à l'offensive, il joue très près de la ligne», fait savoir Federer, qui n’a récupéré que sept points gratuits donnés par son adversaire en finale !

«Je lifte, je slice, je joue à plat»

L’intéressé, qui avait également donné une leçon à Novak Djokovic deux jours plus tôt (6/4 6/2 7/6), ne s’étonne même plus de son niveau de jeu : «Je suis plus agressif, désormais, je ne suis plus un jeu typique de terre battue, j'ai progressé car je ne suis plus à trois mètres derrière la ligne de fond de court. Je joue avec du lift, mais j'utilise le slice, je change les trajectoires, les directions de la balle, je joue aussi à plat». Cette palette lui a permis d’achever une finale qui aura duré seulement dix minutes de plus que la finale Dames ! Faut-il s’inquiéter de l’avenir sportif du tournoi tant l’Espagnol archi-domine la concurrence ?

Björn Borg le croit : «Cela fait trois ou quatre ans que je le suis très régulièrement, je n'ai jamais vu un mauvais match par comparaison aux autres joueurs qui peuvent avoir un mauvais jour. Lui, non. Il joue tous les points comme s’il s’agissait d’une balle de match. Peu de joueurs peuvent le déborder. Je pense qu’il va peut-être gagner 8 ou 9 Roland Garros d'affilée. Il a tellement confiance en lui qu'il ne jouera jamais mal». Les spécialistes, Mats Wilander en tête, pensent que Nadal est même mûr pour gagner des Grands Chelems autres que Roland Garros même si Federer retrouve enfin un sursaut d’orgueil : «Rafael joue très bien mais la saison de terre battue est finie. Moi aussi, je l’ai déjà battu en finale en lui infligeant un 6/0. Je l'ai déjà dominé très facilement dans le passé. Depuis cinq ou six ans, je n'ai pas perdu à Wimbledon. Si je devais perdre là-bas, les faits seraient différents».

sport24.com
SOURCE

Roland-Garros - Nadal: "Proche de la perfection"



Surpris par son niveau de jeu, Rafael Nadal a également été étonné de voir Roger Federer déjouer face à lui en finale de Roland-Garros. L'Espagnol, N.2 mondial, n'accable pas pour autant le N.1, de qui il se dit être encore très loin. Et ne veut pas entendre parler du record de Borg (6 victoires).

ROLAND-GARROS - Finale messieurs

Comment expliquer cette victoire expéditive? Est-ce vous qui avez été injouable ou Federer qui a été moins bien?

R.N. : Même si je joue mon meilleur tennis, il est évident que jamais je ne gagnerais 6-1, 6-3, 6-0 contre un Federer qui joue bien. C'est une évidence. Il n'a pas très bien joué, tout le monde l'a vu. Sinon un tel score aurait été impossible.

Etes-vous surpris?

R.N. : Je ne m'attendais pas à ça. J'avais, pendant le match, du mal à y croire. J'ai joué une partie presque parfaite. Il faut reconnaître aussi que lui a fait beaucoup plus erreurs que d'habitude. Mais depuis l'année dernière, mon jeu a évolué. Je joue davantage dans le court, je contrôle plus le jeu car j'ai plus de temps pour le faire. Ce n'est plus un jeu de terre battue classique. Je joue plus agressif, je ne reste plus deux mètres derrière la ligne. Je m'appuye bien sûr toujours sur mon lift, mais je slice et j'utilise des coups à plat plus souvent qu'avant. J'essaye de progresser. C'est la condition si je veux devenir N.1 et même rester dans les meilleures places au classement.

Avez-vous l'impression d'être le meilleur joueur du monde actuellement?

R.N. : Non! Je me sens comme le N.2 car je suis le N.2. Je suis même plus près du N.3 que du N.1. C'est vrai que je suis premier au classement de l'année et c'est important. Mais ce qui compte d'abord c'est que je joue mieux que par le passé.

Visez-vous désormais le record de six victoires de Borg à Roland-Garros?

R.N. : Ecoutez, si vous voulez on en reparlera à la fin de ma carrière. Là j'en suis à quatre et ça suffit pour l'instant à mon bonheur. C'est très sympa toutes ces comparaisons avec Borg, surtout qu'il a été beaucoup plus fort que moi, mais je n'y pense pas vraiment.

Est-il difficile de garder sa concentration lorsqu'on domine autant?

R.N. : C'est plus facile de rester concentré quand tout roule, quand le score va en ta faveur que l'inverse. Lorsqu'il m'a pris mon service à 6-1, 2-0, j'ai considéré cela comme normal. C'était quand-même une finale contre le N.1 mondial. Je ne pouvais pas croire que ça allait continuer comme ça. Mais je suis resté très concentré. Conserver mon jeu de service contre la direction du vent à 3-3, où il a une balle de break a été déterminant. C'est le jeu le plus important de la finale.

D'où tirez-vous votre incroyable énergie sur cette quinzaine?

R.N. : Si vous n'avez pas une motivation spéciale pour un tournoi comme Roland-Garros, vous pouvez arrêter le tennis, rentrer chez vous, acheter un bateau et aller à la pêche! Ici je suis toujours à 100% au niveau du mental, à 100% concentré. Peu importe s'il y a de la fatigue ou non, je veux gagner.

Vous avez été assez calme après la balle de match?

R.N. : Je venais de gagner le dernier set 6-0... J'ai senti aussi que le moment était assez difficile pour Roger et je ne voulais pas manquer de respect à un homme que j'estime beaucoup. Je n'étais pas habitué à gagner des finales comme ça, c'est une sensation agréable mais très différente.

Avez-vous l'impression que le fossé s'élargit avec Federer?

R.N. : On en a parlé 1000 fois, ce n'est pas une question de près ou de loin. Lorsqu'on a deux joueurs qui sont presque sur un pied d'égalité, ça dépend beaucoup de la forme du jour. Roger a déjà montré que c'était le meilleur de tous, parfois c'est lui, parfois c'est moi, c'est la confiance qui fait la différence.

Pensez-vous que Federer partira désormais avec un handicap psychologique face à vous après une telle défaite?

R.N. : Il est beaucoup trop bon pour ça! Ce n'est évidemment jamais évident de perdre une finale de Grand-Chelem, je l'ai vécu ces deux dernières années à Wimbledon. Surtout si on est un des favoris pour la victoire finale. Mais je lui fais confiance pour vite rebondir.

Vos chances de gagner Wimbledon sont elles plus fortes cette année après une telle démonstration?

R.N. : Franchement, je ne sais pas. J'espère franchir au moins un tour au Queen's pour avoir un maximum de matches. C'est important car la saison sur gazon est tellement courte. Mais j'espère, oui, que ma victoire ici me donne beaucoup de confiance pour les tournois à venir.

yahoo.fr
http://fr.sports.yahoo.com/09062008/70/roland-garros-nadal-proche-de-la-perfection.html

Chronique
Nadal est aussi un formidable joueur


Rafael Nadal. (photo Reuters)

Service Potier. Décryptage par Jérôme Potier, entraîneur national
QUOTIDIEN : vendredi 6 juin 2008

On entend souvent que Rafael Nadal, c’est avant tout un physique. Cela expliquerait sa quasi-invincibilité sur terre. Je ne suis pas du tout d’accord avec cette idée. Nadal, on aura l’occasion de s’en rendre compte aujourd’hui contre Djokovic en demi-finale, est un fabuleux joueur de tennis. Primo, c’est le meilleur défenseur du monde. Et la défense, quoi qu’on dise, ce n’est pas que les jambes. Nadal a une main exceptionnelle, il fait en bout de course des choses étonnantes avec sa main gauche. Son coup de poignet est extraordinaire. Quand ils sont débordés sur leur coup droit, la plupart des joueurs, ne peuvent que remettre une balle facile ; lui fait des passings mutants parce qu’il a une main rare. Pareil avec son coup droit de fond de court : il ne faut pas s’arrêter à ses biscotos parce qu’il porte un Marcel. L’efficacité du coup ne vient pas du biceps. Elle vient de la technique : de la main et des jambes, parce que la force part des appuis au sol. Les siens sont exceptionnels.

Pendant un temps, qui n’a pas duré bien longtemps, le revers n’a pas été au niveau. Je me souviens qu’en janvier 2004, il avait joué deux fois de suite contre un joueur dont je m’occupais, Thierry Ascione (une victoire partout). Nadal, 17 ans et demi à l’époque, avait une nette faiblesse côté revers au niveau de la puissance. Un an après, il l’avait complètement corrigée. En fait, depuis qu’il est sur le circuit, les joueurs s’engouffrent dans cette faiblesse supposée en jouant sur son revers. Résultat : le coup faible est devenu un coup fort, presque autant que son coup droit. En passing de revers, sa main droite lui permet des coups incroyables : il s’en sert presque comme s’il jouait un coup droit de droitier en bout de course. Or, ça, c’est du pur talent, de l’habileté. Plus généralement, il y a un principe simple au tennis : le talentueux, c’est celui qui retourne tout le temps le service adverse. Or, face à Nadal, si le serveur ne sert pas un ace, il faudra qu’il joue derrière. Ça revient. Et ce n’est pas une question de vitesse, de physique, c’est une question d’œil. Ce qui va vite, avant les jambes de Nadal, c’est son œil. C’est aussi un super-volleyeur. Je l’ai vu jouer en double plusieurs fois, avec Tommy Robredo. Les deux ont d’ailleurs gagné le double à Monte-Carlo fin avril. En 2004, Thierry Ascione et Jean-René Lisnard étaient tombés sur la paire Nadal Robredo. Ascione et Lisnard, en double, ça tape très, très lourd sur le volleyeur : Nadal n’avait pas raté une volée. Il était d’une adresse diabolique.

La prochaine évolution dans son jeu, c’est peut-être sa volée sur dur, un peu moins nette que sur terre où il a essentiellement à jouer des volées posées, qu’il effectue parfaitement. Sur dur, il faut qu’elle soit un peu plus agressive, plus technique. Parce que les appuis ne sont pas les mêmes. Mais il va y arriver.

Une dernière chose, qui ne relève pas de la technique mais qui est aussi une forme de talent : Rafael Nadal est sans doute le seul joueur, avec Roger Federer, qui aille sur chaque tournoi avec l’intention de gagner. Tout le temps. Pas mal de joueurs, y compris parmi les meilleurs, vont chercher une garantie sur un tournoi, un bonus. Ils lâcheront un peu s’ils sortent d’un tournoi fatiguant, si l’adversaire joue très bien. Nadal, lui, jouera, mal parfois car cela lui arrive comme tout le monde. Mais il ne donnera jamais le match.

http://www.liberation.fr/actualite/sports/rolandgarros/service_potier/330104.FR.php

«Excuse-moi, Roger»

Le lundi 09 juin 2008
Vincent Brousseau-Pouliot
La Presse

«Avec un peu de chance, tout ira bien», avait confié Toni Nadal à La Presse de la demeure familiale à Majorque, la veille du départ du clan Nadal pour Paris.

Toni Nadal avait tort. Bien sûr, son neveu Rafael a remporté son quatrième titre consécutif à Roland-Garros. Mais plutôt de s'en remettre à la chance, il a préféré frôler la perfection.

Après avoir démoli ses adversaires jusqu'en finale, Rafael Nadal a humilié son grand rival Roger Federer en trois manches hier, 6-1, 6-3, 6-0. Une affaire classée en moins de deux heures, soit la deuxième finale la plus expéditive de l'histoire de Roland-Garros.

Toujours invaincu en 28 matchs aux Internationaux de France, Nadal est le premier joueur à remporter le tournoi sans perdre une seule manche depuis Bjorn Borg. Nadal rejoint également Borg à un autre chapitre du livre des records de Roland-Garros - ils sont maintenant les deux seuls à revendiquer quatre titres consécutifs sur la terre battue parisienne.

Nadal a d'ailleurs reçu la Coupe des Mousquetaires des mains du grand Borg lui-même, qui a remis les pieds sur le court central de Roland-Garros pour la première fois depuis son sixième et dernier titre en 1981. S'il veut voir Nadal briser ses records, Borg aurait toutefois aimé assister à un match plus serré. «Il n'y a pas eu de match car Rafa était trop fort», a-t-il dit en entrevue à la télévision américaine à son ancien rival John McEnroe.

Le verdict du Suédois est juste. Hier, Federer n'a jamais été dans le coup. En fait, si - quelques instants en milieu de deuxième manche, alors que le numéro un mondial montait au filet tout en alignant les coups gagnants avec une régularité surprenante. Il a eu deux chances de prendre les devants. À 2-2, il a raté une volée facile qui lui aurait donné une balle de bris sur le service de Nadal. Deux jeux plus tard, il obtenait finalement cette balle de bris, mais il a semblé surpris par un amorti raté de Nadal, qu'il a retourné dans le filet. Après, son coup droit et sa première balle de service se sont déréglés, lui enlevant toute chance de revenir dans le match.

Le numéro un mondial a perdu 10 de ses 11 matchs sur terre battue contre Nadal, mais jamais avait-il subi pareille leçon de tennis. Dominant toutes les facettes du jeu, l'Espagnol n'a commis que sept fautes directes, contre 35 pour le numéro un mondial. Si Federer l'avait ébranlé le temps d'une manche l'an dernier en finale en prenant le filet d'assaut, la stratégie n'a pas fonctionné cette fois-ci.

À la troisième manche, Federer, résigné, ne montrait même plus de signes d'impatience comme par le passé. Blanchi durant une manche pour la première fois depuis 1999, il a tout de même réussi à garder son sourire - et sa classe - après le match. «Rafa était trop fort aujourd'hui, a-t-il dit à la foule. Il mérite vraiment ce titre. Perdre en finale de cette façon, ce n'est jamais agréable, mais je vais essayer à nouveau de gagner le tournoi l'an prochain.»

Sur l'estrade, Nadal était le plus mal à l'aise des deux finalistes. «Excuse-moi, Roger, pour cette finale, a-t-il dit sur un ton respectueux. J'aimerais te féliciter pour ton tournoi et ton attitude exemplaire, quand tu gagnes comme quand tu perds.»

Cette année, Nadal n'a pas seulement amélioré son jeu sur terre battue à Roland-Garros. Il a aussi fait des progrès en français, surprenant la foule parisienne en commençant son discours d'après-match dans la langue de Molière...

Pour les partisans du numéro un mondial, cette défaite - probablement la pire et certainement la plus humiliante de sa carrière - remet en question ses chances de gagner un jour Roland-Garros. Vrai, il est le deuxième meilleur joueur au monde sur terre battue. Vrai, il a atteint la finale à trois reprises. Mais après cette quatrième défaite particulièrement amère contre Nadal à Roland-Garros, Federer n'a jamais été si loin de soulever la Coupe des Mousquetaires.

Comme si le numéro un mondial n'avait pas suffisamment de tracas, voilà que son idole de jeunesse, Bjorn Borg, vient de prédire une victoire de Nadal à Wimbledon, jusqu'ici la chasse gardée de Federer. «Roger est toujours difficile à battre sur gazon, mais je choisis Nadal cette année. S'il est capable de passer les trois premières rondes, Nadal va gagner le tournoi», a dit Borg, hier.

Champion des cinq derniers tournois de Wimbledon, Federer commencera sa saison sur gazon mercredi en disputant l'Open Gerry Weber aux Pays-Bas, tandis que Nadal sera première tête de série au tournoi de Queen's à Londres. L'Espagnol n'a jamais gagné un tournoi sur gazon. Il s'est incliné en finale de Wimbledon contre Federer ces deux dernières années.

cyberpresse.ca
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